Bonjour,
Ce qui est 'rigolo', c'est que pour vous qui maîtrisez maintenant les fondamentaux technologiques, économiques et RH (cf blogs précédents), il est facile d'en déduire les directions des directions générales.
Pourquoi ? Parce que:
1. Somme toute, les options, les natures de directions stratégiques possibles sont en nombre fini. Nous pouvons les lister.
2. Compte tenu des fondamentaux, la priorisation, la hiérarchisation et la pondération des objectifs stratégiques se déduit aisément.
Ci dessous, un petit slide pour mettre ça en oeuvre:
Ce qu'il y a également de fascinant, c'est que nous pourrions penser que ces directions relèvent d'une très haute réflexion. C'est ce que je pensais et c'est ce que pensent souvent ceux qui travaillent en bas de la pyramide des entreprises. Mais finalement pas vraiment, et pour de très bonnes raisons.
Ces raisons tiennent aux 'lois' de la vie en communauté. Ceux qui sont 'en bas', soumis aux décisions des autorités politiques, projettent le plus souvent que les 'chefs' sont accaparés par de la haute réflexion pour le bien de la communauté à long terme. Nous le croyons, même lorsque nous râlons et que nous avons l'intuition que ce n'est pas vrai, parce que nous avons besoin de le croire, en vertu des besoins fondamentaux de
protection que nous ressentons tous.
En réalité, les personnes humaines qui jouent le rôle de directions générales sont prises dans d'innombrables considérations qui n'ont rien à voir avec le 'bien de la communauté à long terme', mais qui ont tout à voir avec les 'lois' humaines. Une direction, c'est avant tout le lieu de projection par tous les subordonnés, l'endroit où les désirs
sont comblés ou frustrés, l'endroit où les ambitions se font et se
défont. Une direction, c'est un noeud de considérations politiques et humaines, personnelles et collectives. C'est un sorte de point de tension maximale des espoirs, semblable à un plasma.
Le quotidien d'une direction générale, ce n'est pas tant la haute réflexion posée et rationnelle que la gestion habile de ce noeud de tension humain, afin de jouer de tous les désirs qu'elle incarne, au mieux de ses objectifs propres.
Si ce n'est pas ce que la 'base' projette comme étant le travail quotidien de sa direction générale, ce travail réel n'est pas pour autant facile. Il ne se résume pas au phantasme du golf entre dirigeants. C'est extrêmement difficile et douloureux pour un être humain que de se trouver au centre de toutes ces projections (au sens psychologique du terme) et de devoir tenir son rôle sans fléchir. Ne jamais être rencontré pour soi-même mais pour la fonction que l'on incarne est une souffrance existentielle. Pour y parvenir tout en restant sain de corps et d'esprit, il faut être particulièrement centré et solide sur ses jambes. Pour Platon, il faut ni plus ni moins qu'être philosophe, et sous sa plume, ce n'est pas rien.
Les directions générales sont, de fait, rarement des philosophes. Les dirigeants sont donc souvent, soit aveugles à des pans entiers de l'existence, ce qui les sauvent, soit ils contrebalancent l'inévitable souffrance induite par toute ces projections par les jouissances intenses que procurent le pouvoir. En fait, les dirigeants sont souvent les deux à la fois.
C'est la raison même pour laquelle j'ai beaucoup de compassion pour les dirigeants (autant que pour les mendiants d'ailleurs) : j'ai toujours perçu, même chez le plus 'crocodile' assumé, un désir secret d'être soi, au delà de tous ces jeux de 'rôles' auxquels ils tendent à s'identifier.
Les directions générales visionnaires, c'est à dire capable de
dépasser la simple nécessité imposée par l'environnement, sont de ce fait rares
(mais pas inexistantes heureusement): pour des raisons de politique, c'est une tactique payante pour le dirigeant ambitieux que de ne pas prendre de risque et d'attendre le consensus sur les directions à prendre, tactique qui
n'engagera donc pas la responsabilité personnelle de ce dirigeant.
Par voie de conséquence, l'élaboration des stratégies est le plus souvent 'mécanique', au sens où ces stratégies sont la simple conséquence des fondamentaux, qui, du fait que ce sont des fondamentaux, finissent inévitablement par faire l'objet d'un consensus, hélas tardif et mou.