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Naissance !

Bonjour,

Par respect de mes lecteurs, je me dois de signaler la naissance de ma deuxième fille dans la nuit de dimanche à lundi...ce qui explique que la publication de blog pour les dit lecteurs passe au second plan le temps de d'accueillir cette enfant dans la vie comme il se doit :-)...A très bientôt, ça devrait reprendre la semaine prochaine si tout se passe bien.

L’entreprise 2.0 n’est pas un phénomène de mode

Le terme "Entreprise 2.0" a la force du buzz pour lui. Cela permet d'éveiller les esprits à quelque chose. Il en a aussi les inconvénients. Il tend à transformer en un phénomène de mode ce qui ne l'est pas.

Cela fait 15 ans que je travaille sur ce mouvement de fond qui constitue un fil continu de ma vie professionnelle. Cela me permet de fournir une big picture en quelques mois en m'appuyant sur des slides. Cette big picture a pour but de convaincre les lecteurs, les directions générales, les directeurs, les managers et les opérationnels. Elle permettra:

• De montrer l'enracinement très profond du mouvement
• De fournir les outils conceptuels pour penser ce mouvement
• De décliner pas à pas la composante technique puis la composante humaine du mouvement
• Indiquer les démarches et les méthodes d'ensemble à appliquer pour tirer parti de ce mouvement

A bientôt pour la suite...

Entreprise 2.0 : définition

Etablissons dès maintenant pour les impatients une première définition sur laquelle nous reviendrons:

• Compte tenu de l’évolution des fondamentaux et des finalités de l’entreprise
• Une dynamique structurelle est en cours de l'économie du faire vers l’économie du savoir
• L’entreprise est ‘dans’ ce mouvement qui la dépasse (comme la marée porte le bâteau)
• Cette trajectoire suppose un changement de paradigme pour TOUTE l'entreprise
• L'entreprise 2.0 désigne donc deux choses:

1. Une vision d’un système métier cible centrée sur le savoir, qui constitue un ‘idéal régulateur’ pour les démarches à mener
2. Les connaissances, les démarches, les méthodes, les pratiques qui permettent la transition de paradigme au sein des entreprises de leur état actuel vers l’entreprise du savoir (où tous les traitements intellectuels répétitifs sont automatisés et où l'homme est concentré sur les tâches relatives à la création et à la décision - la vision étant la combinaison des deux)

 

En conséquence, le terme « l’entreprise 2.0 » profite au mouvement de fond et fait sens si "2.0" est compris comme un changement de paradigme par rapport au 1.0.

En revanche, ce terme nuit à la compréhension du mouvement de fond s’il est compris comme un « truc internet » ou « une évolution ».

Je lui préfère le terme plus juste d' "entreprise cognitive" mais c’est tout de suite moins sexy :-)

Entreprise 2.0: inquiétudes & coming out

J'ai récemment lu quelques articles sur "l'entreprise 2.0" qui m'ont agacé. Cet agacement se révèle très stimulant. Disons que cela me pousse à faire un 'coming out'.

Les approches de "l'entreprise 2.0" me semblent toujours très étriquées. Nous avons notamment les deux grands classiques :
•    "C'est mettre du web 2.0 dans l'entreprise"
•    "C'est la combinaison de 6 usages (acronymes SLATES):
1.    search, l’obtention d’information
2.    links, la mise en relation de tous les contenus
3.    authorship, l’accès de tous à la plateforme collective
4.    tags, l’enrichissement de l’information par les méta données
5.    extensions, extension de la connaissance par analyse statistique des comportements
6.    signals, retour de l’information pertinente vers les consommateurs par push

Ce qui est donné à voir de cette question sur le net reste très orienté outils informatiques, SI, et en général conseil pointu et indépendant.

Le coeur de l'économie française et les directions générales, sauf pour certaines d'entre elle, n'ont pas encore ni les outils conceptuels, ni les démarches et ni les méthodes concrètes pour se saisir du phénomène. Bref, nous pouvons comprendre qu'elles hésitent et tatonnent.

Je suis très inquiet de voir les réflexions sur "l'entreprise 2.0" rater le coche. Je suis inquiet car l'enjeu est très supérieur à une simple question SI, très supérieur à une simple question d'outils ou même d'usage, très supérieur à une simple mode du moment. C'est un enjeu pour toute la société, toute l'économie, les entreprises, les directions générales et surtout pour chaque citoyen et chaque opérationnel en bas de l'échelle.

Je suis inquiet car il est grand temps qu'il y ait une prise de conscience de la profondeur du mouvement. Pour qui sent sa nature avec instinct, et c'est le cas de certains passionnés (Fred Cavazza, Louis Nauges, Bertrand Duperrin, Olivier Zara pour n'en citer que quelques uns...), pour qui souhaite faire sens dans nos sociétés, il est difficile de ne pas oeuvrer en vue de catalyser ce mouvement. Je vous invite donc à découvrir ce qui se déroule en ce moment même dans nos sociétés.

Définition 'carrée' du web 2.0

Proposition de définition carrée : « le web 2.0 », c’est :

- l'ensemble des nouvelles démarches, méthodes, et technologies

- inspirées par le premier cycle d’affaire de l’internet (qui a pris fin avec la bulle en 2001), mise en oeuvre par les entreprises purement internet qui ont survécu à cette bulle et qui forment le cycle d’affaire actuel de l'internet

- qui sont porteuses de valeur ajoutée potentielles pour les activités traditionnelles non internet.

Stratification du courant 2.0 : vue d’ensemble

Le modèle de déploiement des courants en entreprise s’applique également à ces termes émergents : "web 2.0", "2.0", "entreprise 2.0", « entreprise collaborative 2.0 »…

Il y a de façon évidente une dimension marketing buzz des mots à court –moyen terme. C’est inhérent au déploiement des nouveaux courants.

Pour démêler la complexité du 2.0, séparer le bon grain de l’ivraie, il faut le resituer dans son contexte. Je vous propose une vue d'ensemble rapide avant d'entrer dans les détails :

• A très long terme, les principes économiques capitalistes

Les entreprises sont poussées par des constantes : réduction des coûts, gains de productivité, gains de part de marché, développements des affaires,…
Pour atteindre ces objectifs, l’outil de production est optimisé à l’aide des technologies disponibles. Ces technologies s’étagent en deux parties :

• A long terme, les paradigmes technologiques de production

les technologies s’inscrivent dans une révolution technologique. Depuis 30 ans, c’est la révolution informatique.
Mais Rome ne se fait pas en un jour, la révolution informatique est composée d’une longue série d’évolution technologique qui font l’objet d’un cycle d’affaire:

• A moyen terme: l'enchaînement des cycles d'affaire

Nous avons connu la micro-informatique, les progiciels de gestion, le CRM et le SCM, la première vague internet, etc…

Il s'agit de cycle car ils connaissent tous une phase d'expansion puis de contraction. C'est un mouvement très sain de l'économie qui s'apparente aux cycles fondamentaux de développement, dont la respiration fait partie: Yang/expiration/expansion/prise de risque/exploration/découverte, Ying/inspiration/contraction/intégration/apprentissage/sécurité etc...

La première phase commence par de véritables opportunités, se prolongent par des projets et un apprentissage. Dans le passage des idées aux projets, il y a toujours des emballements et des excès car tout n'est pas pertinent. Vient alors le moment de la rationalisation et de la contraction lorsque ces excès deviennent trop lourd, ce qui a pour effet de tamiser l'ensemble pour ne conserver que ce qui est véritablement pertinent sur le terrain.

• A court-moyen terme: le cycle d'affaire courant

Le « web 2.0 » recouvre le cycle d’affaire actuel du secteur internet, qui est le second cycle du secteur émergent de l’internet, et le nième (presque une dizaine) de l'informatique.

Dès lors, nous comprenons mieux pourquoi le 2.0 est à la fois:

• un terme marketing qui permet d'éveiller les entreprises à la spécificité des retours d'expérience probants issues des expérimentations du premier cycle
• Une réalité, car il y a de véritables opportunités dans ces retours d'expérience

La nécessité psychologique et sociale de l’accroche et du buzz : la ‘com’

Lorsque les courants didées se déploient, ils sont annoncés par des mots nouveaux portés par des ‘héraults’. La population commence à les entendre :

• Les passionnés, les early adopter, les ‘modeux’, les enthousiastes, les progressistes, les espérants, ceux que la nouveauté fouette par son adrénaline, ceux qui aiment à ce sentir dans le vent et en avance sur les autres, se précipitent sur ce nouveau courant comme vers une terre promise : génial, ce truc va tout résoudre !
• Les scientifiques, les techniciens, les critiques, les conservateurs, les rigoureux, les ‘j’en ai vu d’autres’ se méfient : mais qu’est ce que c’est encore que ce truc ? Ils nous font encore de la nouvelle soupe dans de vieux pots… mais à moi, on ne la fait pas.

Les premiers mots nouveaux qui annoncent le courant sont toujours séduisants, attractifs, et en même temps confus sinon obscur. Rejeter un courant à cause de cela est une erreur car il ne peut pas en être autrement. Pourquoi ?

Dans le blog précédent, j’évoque les ‘mèmes’, une théorie sur la diffusion des idées.

Pour qu’une idée diffuse auprès d’opérationnels et de dirigeants qui n’ont pas le temps et/ou l’envie de chercher et d’étudier (sinon, presque par définition, ils seraient professeur ou chercheur), il faut d’abord qu’une idée mette ses bas résilles. Elle attire l’œil, elle conduit à poser des questions, à s’intéresser de plus près. Ce n’est qu’au fur et à mesure, et à proportion du besoin que nous avons d’approfondir, que nous irons plus loin dans cette idée.

Ainsi, quelque soit le degré de puissance et de profondeur d’une idée, pour interpeller et donner envie, pour diffuser de proche en proche, elle s’habille toujours bon an mal an sur des formules chocs. Il n’y a pas de honte à ça. D'une certaine manière, c'est le papier cadeau de l'idée.

Même chez les philosophes et les grands scientifiques, ceux qui diffusent les idées s’appuient toujours sur une formule choc. Pensez à : « l’enfer, c’est les autres », « Dieu est mort », « je pense donc je suis », « E=mc2 », « Eureka ! »…Qui au fond connaît véritablement la pensée sous jacente ? Mais il y a une accroche qui titille…et c’est toujours la première étape pour qui connaîtra.

Bien sûr, pour une accroche donnée, rien ne garantit qu’il y a quelque chose de profond et de puissant derrière. Pensez à « deux doigts coupe faim », « plus blanc que blanc », « Omo maousse kosto »,… Mais qui ne gratte pas ne peut pas savoir, sauf à s’appuyer sur la crédibilité et la légitimité de ceux qui ont déjà gratté, j'y reviendrai…

Une théorie de la diffusion des idées: la théorie des mèmes

La théorie des mèmes est une théorie qui cherche à expliquer la diffusion des informations. Elle prend une approche centrée sur l’information elle-même et s’inspire de la biologie : chaque morceau d’information est un même ; les mèmes colonisent les cerveaux et se propagent de cerveaux en cerveaux. Les mèmes ont donc comme une vie propre qui se sert du biotope du cerveau pour se diffuser et perdurer.

Un même, cela va du dernier ‘gingle’ publicitaire jusqu’à des paradigmes dans l’approche du monde tel que la systémique. Un même a une durée de vie plus ou moins longue, dépendant de sa capacité à coloniser les cerveaux.

Cette théorie a des apports puissants et sensibles :

• Elle édite des règles et induit des méthodes de diffusion d’une idée. C’est donc une théorie puissante pour le marketing viral, la communication, la manipulation, la politique, etc…
• Elle fonde une analyse de l’information en tant que transmis au travers des âges entre génération. Elle apporte donc des éléments sensibles à la théorie de l’évolution, vu sous l’angle des représentations et de la connaissance que l’homme s’est transmis tout au long de l’humanité.

A contrario, j’ai une critique radicale de cette théorie pour laquelle il n’est nul besoin, avec un peu de bouteille, de lire le détail :

• Elle prétend tout expliquer et n’explicite pas ses limites
• Elle fait abstraction du sujet en tant qu’il accepte ou non une idée lorsqu’il l’entend, fut ce ‘inconsciemment’.
• Elle véhicule une conception du sujet passif, soumis, manipulé.

C’est tout le paradoxe des auteurs : il le revendique puisque toute sa théorie vise justement à attirer l’attention sur la puissance de manipulation à laquelle les masses sont soumises. Toute la théorie est un cri de désespoir, soucieux de réveiller ses contemporains, mais simultanément convaincu que l’homme n’est pas à la hauteur de ce défi et que finalement, il n'est qu'un support pour le mème comme il est une enveloppe pour l'ADN…

Dans le champ qui est le sien, sur l’objet qui est le sien, cette théorie n'en demeure pas moins très intéressante pour mieux se saisir des conditions de diffusion des idées.

Retenons notamment qu'un mème qui diffuse rapidement:
1. Doit apporter une gratification à celui qui porte l’idée vis à vis de son entourage: il le fait briller en société par exemple
2. Doit être un germe auto-porteur, se greffer facilement dans le cerveau, quitte à être dénaturé par rapport au fond, tout en en gardant la saveur et la couleur: l'idée reste dans la tête et y trottine
3. Doit donner la sensation au porteur d’être plus intelligent, de participer à quelque chose de puissant qui le dépasse: l'idée est légitimée par par des autorités

Penser avec des théories et des modèles : attention aux limites

Avant de continuer, j'avais envie de reparler des limites des théories et des modèles, car j'en emploie souvent, tout en étant toujours conscient des points qui suivent.

Quelque soit la théorie et le modèle (et j'en ai mangé pas mal par nécessité et parfois par plaisir), j’ai remarqué qu’elles ont 2 limites radicales. Ces 2 limites proviennent toutes les deux de la nécessité de penser non seulement l'objet de la théorie mais aussi les sujets y participent, qui la pensent et qui en sont faits l'objet.

1. Une théorie ne peut expliquer que ce qui est explicable. Une évidence ? Pas tant que ça. Je veux dire par là que la théorie règne sur la cause et l’effet. La tyrannie des théories, c’est que nous pouvons toujours chercher des explications sur tout. Aucun objet ne peut échapper à son dévolu. Mais justement, il y a deux pans qui lui échappent:

• le sujet en tant qu’être conscient et parlant restera inaliénable et irréductible à un objet (quoique veuille nous faire croire des gens parfois très intelligents qui prennent un malin plaisir à faire de l'homme un objet - en oubliant qu'un objet peut difficilement parler de lui-même). Une théorie honnête doit rendre compte de sa limite. Elle doit expliciter cette frontière avec le sujet. Si elle  ne le fait pas, elle est comme la tour de babel : une prétention démesurée à atteindre le ciel dont le projet s’effondre devant la multiplicité des langages.
• La relation de cause à effet n'est pas nécessairement la seule modalité possible d'une relation entre deux objets.

Corollaire : je me méfie de toute théorie qui n’est pas assortie d’une description claire des limites de son périmètre explicatif, et notamment qui décrit à quel moment elle s’arrête là où commence le sujet. Notons que cela n’empêche en rien de s’interroger jusqu’à la limite sur ce qui, dans le sujet, est de l’ordre de l’objet explicable ; au contraire, par l’effet photographique du négatif, le domaine de l’expliqué éclaire le domaine du sujet.

2. Toute théorie est limitée par la représentation du monde de son sujet-auteur. Le pouvoir explicatif de la théorie est limité au champ de conscience de son auteur.

Corollaire : si l’auteur est sincère dans sa démarche et qu’il va jusqu’au bout, sa théorie prétend systématiquement tout expliquer. En fait, elle explique effectivement tout de son point de vue, c'est-à-dire ce qui est dans son ‘champ’ de conscience, qui est nécessairement lui même limité.

Corollaire : la théorie a toujours une saveur. Elle véhicule toujours une idéologie, dont son auteur est le plus souvent inconscient, et qui correspond justement a son propre point aveugle, qui délimite son ‘champ’ de conscience.

En conclusion, quelque soit l'autorité intellectuelle et mentale de la personne qui vous parle et vous assène sa vérité théorique, écoutez votre coeur. Si votre coeur vous dit que ça sent mauvais, c'est lui qui a raison :-)

Etapes de maturation des courants conseil en entreprise

Il est possible de stratifier le déploiement des courants en entreprise. C’est d’ailleurs l’un des objets du marketing dans le conseil afin de disposer d’un bon ‘time to market’:

Tableau de la maturation progressive d'un courant conseil

A chaque étape, le courant initial est éprouvé par les faits. Les faits sont têtus. Les approches abstraites initiales y sont soumises et peu à peu adaptées aux réalités du terrain. Il est nécessaire de passer par toutes les étapes pour constituer une démarche standardisée accessible à l’ensemble de la population.  Chaque étape recèle ses chausse-trappe :

• De la recherche aux idées : il s’agit de trouver en quoi des résultats théoriques peuvent nourrir une approche nouvelle
• Des idées au projet : il s’agit de trouver le modèle d’affaire qui permet de valoriser l’idée
• Du projet aux premières entreprises clientes : il s’agit de résoudre tous les problèmes concrets du déploiement dans l’entreprise - c'est souvent là que les belles idées s'effritent sur la complexité du réel
• Des premières entreprises à toute : il s’agit d’expliciter et de standardiser la démarche qui a connu un succès pour qu’elle puisse être appliquée même par ceux qui ne la comprennent pas dans toute son histoire et sa complexité

De ce fait, la démarche finale peut se révéler profondément transformée par rapport à l’intention initiale.

Les enjeux d’une maîtrise de ces cycles sont importants : trop tôt, l’entreprise paye pour voir, elle est contrainte de payer les pots cassés et de finaliser les applications opérationnelles, trop tard, elle est distancée par la concurrence.